Le Rap est-il vraiment libre ?
- LARGEAU Théo
- 12 déc. 2020
- 4 min de lecture
AU CRÉPUSCULE DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION
Au départ le rap est une musique qui prône la tolérance et la non violence.
Le rap dénonce les injustices que subissent les jeunes des ghettos (essentiellement des ghettos noirs) et parle de la vie quotidienne de ces derniers, ce qui contribuera grandement à son succès.
Le discours véhiculé par le rap n’est, à proprement parler, pas un discours politique dans le sens ou il ne se rattache pas précisément à une idéologie, à une lutte politique précise comme ce fut le cas de la musique noire des années soixante et soixante-dix. Il a cependant une importance sociale considérable en tant que mode d’expression quasi-exclusif des classes sociales les plus défavorisées.
En outre, les rappeurs des années quatre-vingt sont les enfants des noirs qui ont lutté contre la ségrégation et on retrouve donc logiquement dans leur musique et dans leurs textes des éléments empruntés à la fois aux idéaux pacifiques de Martin Luther King et révolutionnaires de Malcolm X et des Black Panthers.
Dans les années quatre-vingt il existe un véritable fossé entre la musique noire dite commerciale et le rap, la musique des ghettos, tant musicalement qu’en terme de discours.
Aujourd’hui, Le caractère politique du rap est multiple. Il peut résider autant dans sa forme musicale, dans son vocabulaire, dans son mode de production que dans ses thématiques. Nous retiendrons pour notre part une de ces dimensions, à savoir le sens que les acteurs mettent dans leurs paroles. Le discours que véhicule le rap peut en effet être perçu et utilisé comme forme d’engagement par celles et ceux qui le pratiquent ; il y a conscience et volonté d’agir sur les représentations et le monde social, que ce soit à travers une dénonciation de l’ordre politique établi, des conditions de vie d’une partie de la population française, ou encore la revendication d’une égalité universelle.
le rap a pris énormément d’ampleur mais la liberté d’expression n’est qu’a son crépuscule. Notamment en France, nous avons pu constater récemment que certains artistes sont lynchés par la Justice.

SNEAZZY
Sneazzy est accusé d’avoir proféré des menaces de mort contre le journaliste de CNews Pascal Praud. Une affaire qui a provoqué l’ouverture d’une enquête par le parquet de Paris, à l’issue de laquelle le rappeur pourrait écoper d’une peine de prison et d’une grosse amende. Le Mc parisien, qui s’est exprimé afin de donner sa version de cette polémique, en plaidant la mauvaise compréhension de ses propos. Il a ainsi affirmé qu’il n’avait jamais souhaité inciter à la haine contre le journaliste mais souhaitait dénoncer ceux qui salissent la religion musulmane dans les médias.

FREEZE CORLEONEone
Des propos qui remettent en question la liberté d’expression
Une enquête a été ouverte auprès du parquet de Paris après la demande de nombreux politiques tel que Gérard Darmanin, premier ministre de l’Intérieur. Freeze Corleone est accusé de
« provocation à la haine raciale » et « injure à caractère raciste », qui vise plus de neufs extraits issus de différents clips.
Ce n’est pas sans rappeler la polémique sur la liberté d’expression de ce début d’année, avec l’affaire de la jeune Mila et de son discours à l’encontre des musulmans. Si cette polémique avait provoqué l’indignation de nombreux internautes mais que son procès pour « incitation à la haine » avait été classé sans suite, ce n’est pas le cas de Freeze Corleone, qui se verrait être retiré des plateformes de streaming avant même la fin de son procès. La plateforme française de streaming Deezer ainsi que YouTube ont déjà supprimé des titres de l’artiste tel que « S/O Congo Part.2 » et « Bâton Rouge », sous la pression de la LICRA . Une censure non-justifiée qui provoque de nombreux débats sur les réseaux sociaux. Une censure à géométrie « variable » que ressentent les fans de l’artiste, qui comparent les propos du rappeur à ceux de Michel Sardou dans sa chanson « Le temps des colonies » (« J’ai envie de violer des femmes » ou encore « J’avais plein de serviteurs noirs ») … toujours disponible sur ces mêmes plateformes...

13 BLOCK
Dès le lendemain de la sortie du clip «Fuck le 17» par le groupe 13Block, des voix se sont élevées dénonçant le message à l'égard des forces de l'ordre. Cette polémique est loin d'être un cas isolé et rappelle l'histoire tumultueuse des relations entre le hip-hop et la police, et nous rappelle qu'encore aujourd'hui, le traitement du mouvement par les médias reste tâché d’ambiguïtés.
C’est pourtant loin d’être la première fois qu’un morceau de hip-hop se prononce ouvertement contre les forces de l’ordre. Dès 1988, le groupe américain N.W.A générait une forte polémique avec le morceau « Fuck Tha Police », et dès 1993, le groupe français NTM était en proie avec la justice pour le morceau « Police ». Sans perdre de vue les nombreuses différences de contexte entre les Etats-Unis et la France entourant le hip-hop et les polémiques y étant associées (poids des questions raciales dans la ségrégation, primauté absolue donnée à la liberté d’expression etc.), certains parallèles dans l’histoire tumultueuse des relations entre le hip-hop et la police en France et aux Etats Unis permettent de mieux comprendre les enjeux autour de la polémique liée au clip de « Fuck le 17 ».

Rappeurs/ police : des conflits juridiques
Alors que le morceau « Fuck Tha Police » a amené le label du groupe N.W.A à être contacté par le FBI en vertu d’une « incitation à violence sur personne dépositaire de l’autorité publique », le groupe NTM s’est vu condamné à 6 mois de prison dont 3 fermes et une interdiction d’exercer leur métier pendant 6 mois pour outrage à la police en 1996 suite au morceau « Police» (Libération). Le groupe La Rumeur a quant à lui dû attendre 8 ans de procédure judiciaire pour être relaxé suite au procès intenté par Nicolas Sarkozy à l’un de ses membres pour « diffamation envers la police nationale », à propos d’une interview donnée dans un fanzine de l’époque. Il est peu risqué d’attendre une condamnation de ce type du groupe 13 Block, compte tenu des déclarations récentes des représentants du Ministère de l’Intérieur et de la police nationale.
Quoi qu’il en soit, alors qu’N.W.A figure aujourd’hui dans l’imaginaire collectif comme l’un des plus grands groupes de hip-hop américain, et que le groupe NTM continue de remplir des stades entiers quinze ans après leur condamnation, reste à savoir si la condamnation potentielle du groupe 13 Block les empêchera de rentrer dans la légende.
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